samedi 29 mai 2010

Orientalement shakespearien?


Malheureusement je n'ai pas senti l'odeur des épices. Je n'ai pas vu les paysages des mille et une nuit. Et je n'ai pas entendu les chansons claironnées par les habitants ensorcelés. Mais c'était encore mieux que tout cela. Karen Yedaya m'a plongé dans une ville qui embaume bien d'autres odeurs. Jaffa est un drame. Une histoire qui a un goût amer. Celle d'une passion déchirée et déchirante.

Pourtant, l'incipit est pour le moins banale. Un garage. Odeur de suif, de mains sales, et de voitures. Le début commence mal. Moi qui m'attends à une histoire à l'eau de rose, je me retrouve spectatrice de trois hommes en train de "ramoner" des voitures. Les critiques sont plutôt bonnes alors je continue. Mon regard ne s'affaisse pas. Je suis concentrée.
Deux hommes sont palestiniens : Hassan le père et Toufik le fils. Employés par Reuven, ils travaillent sans repos. Des "gens honnêtes" en somme. Reuven a deux enfants : Meir, le jeune homme irrespectueux, colérique et raciste et Mila, la timide obéissante fille. Jusque là, rien de bien exaltant.
Au fil de l'histoire, on découvre que Mila et Toufik s'aiment depuis toujours. Mais en secret. Début de grossesse pour Mila, ils décident de partir. Pour se marier. Bon, là, j'entends déjà, c'est tellement vu et revu.. Et c'est là où tout s'enchaîne. Ou ça en jette. Grosse bagarre entre l'insupportable frère Meir et l'honnête amoureux Toufik. Un crachat, des coups de poings envers Toufik, Meir se retrouve rapidement par terre. Il se cogne violemment. Toufik l'a tué. Homicide involontaire. Prison pour 10 ans. Scénario catastrophe, mes sentiments changent du tout au tout à ce moment. Le gentil - plutôt beau garçon en plus- devient le méchant. Saloperie de monde manichéen me direz vous.. Que va faire Mila? Ou plutôt que doit-elle faire? Garder l'enfant de son alter ego mais qui a tué son frère? Ou avorter, l'oublier et respecter son défunt frère qu'elle ne supportait pas? Et vous, qu'auriez-vous fait? La réalisatrice tisse le portrait d'une femme qui choisit. Choisit de dire. Ou de mentir. Et c'est là où une ovation est à faire au film car quoiqu'elle choisisse, on est d'accord avec elle.
Au delà du prisme politico-raciale, Jaffa est un drame où s'entremêle des tensions secrètes et étouffées. Le spectateur se pose la question de la morale: et moi, qu'aurais-je fait à leur place? Un tableau familial où les personnes ne se parlent pas, ne s'écoutent pas, enterrent des émotions si fortes que nos yeux arrivent à humer l'odeur de la fin : la putréfaction. Ou pas. Dérangeant tout en transpirant d'amour, ce long-métrage encre une nouvelle fois le cinéma israélien dans l'histoire. Une Juliette israélienne et un Roméo palestinien, voilà une recette à la fois moderne et aussi ancienne que la nuit des temps. Jaffa, ville de la "fiancée de la mer", pue la mort et l'amour. Deux sentiments où les cœurs baignent dans douleur, sacrifice et espoir. A voir.

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